L'extension du Port de Nice

C’est un projet de la chambre de commerce et de l’industrie, CCI, gérant le port d’Etat, en association avec la ville, visant à faire de Nice la tête de pont des grandes croisières méditerranéennes. Il se propose de construire à l'horizon 2003, une jetée de 320m de long et 45m de large au-delà de celle existante afin d’accueillir des grands navires de 300m de long et très hauts(2500 passagers et 1500 hommes d’équipage) avec des machines de 70000 chevaux tournant à quai. La réalisation de ce projet coûterait 900 MF auxquels s’ajouteraient 300 MF pour aménager les abords, par exemple 150 MF pour le tunnel sous le château. Ce projet engage l’Etat, propriétaire du port, la CCI gestionnaire commerciale jusqu’en 2026, la région, le département et la ville de Nice qui va devoir adapter tout un quartier à cette réalisation. A titre d’exemple, pour acheminer les passagers d’un bateau, il faut 60 à100 autocars qui s’ajouteront au nombre croissant des véhicules de passagers vers la Corse. Le réseau routier actuel sera dépassé sans compter l’acheminement du carburant, l’enlèvement des déchets... Il s’agit donc d’un projet au budget colossal, aux dépassements probables, qui risque d’endetter durablement notre ville et qui aura des répercussions sur le quartier du Port et sur la ville entière.

La ville de Nice a déjà un très grand aéroport international, doit elle avoir à n’importe quel prix (financier, écologique et humain) un port plus grand, sachant de plus qu’il n’y a pas historiquement de grandes traditions maritimes à Nice ? On passerait du plus petit port de commerce de France à un port capable d'accueillir 6000 personnes par jour.

Les partis de la gauche non écologiste, au départ gênés par l’accord de principe du président socialiste de la région PACA, M. Vauzelle, et l’accueil positif de M. Gayssot, naviguent à vue et prennent le vent au cours de réunions publiques houleuses où ils écoutent l’opposition franche des comités de quartier, des associations de riverains et des utilisateurs du port. En fin d’analyse ils disent oui à un port transformé mais sans adhérer au projet de la CCI. Le conseil régional bouge aussi sous les pressions et finit par demander des études indépendantes de la CCI.

Les droites sont partagées.Jean-Auguste Icart préconise lui, la solution de St Laurent du Var, lieu plus ouvert et adapté que le site de l’actuel port de Nice et de plus voisin de l’aéroport. A propos de ce choix, il est bon de rappeler une note data

nt de la fin des années soixante dix, émanant de la direction départementale de l’équipement, je cite " Inséré comme il l’est dans le tissu urbain du centre de Nice [...] étouffé par un réseau routier de faibles caractéristiques, supportant un trafic intense [...] l’actuel port de Nice est condamné à une lente agonie qu’aucune possibilité d’extension sur son site actuel ne pourra empêcher ". A cette époque c’est à l’aéroport de Nice que devait être créé le nouveau port mais la catastrophe d’Octobre 79 ( l’effondrement du terre-plein en cours d’aménagement) avait mis fin à ce projet. Je n’ai pas d’informations sur de nouvelles études de port sur le site Aéroport-St Laurent du Var .Le préfet représentant l’Etat, Mr Jean René Garnier est très favorable à l’extension du port de Nice. Mais il tient des propos très contradictoires : il veut un grand port, ce qui est incompatible avec le site qu’il souhaiterait protéger des nuisances d'un trafic sur et autour de ce port.

Seuls les écologistes ont été critiques dès le départ et pour deux raisons majeures.

- Premièrement la méthode employée : pas d’informations précises aux élus, pas de consultation des habitants concernés par ce bouleversement de paysage alors que le projet touche un site déjà très urbanisé, un site historique protégé formant un ensemble remarquable, rare dans le monde. La loi sur l’aménagement du territoire prévoit en effet la participation des citoyens organisés aux projets, dès le début de ceux-ci :M. Peyrat, lui, a annoncé qu’il ne rendrait public le projet qu’une fois monté (la CCI appuyée par Peyrat a confié les études économiques à deux sociétés américaines : le groupement Bemello et Ajamil ; ce cabinet est basé à Miami, il a aussi pour clients les principales compagnies de croisières américaines : Royal Carribean Cruise Line et Carnival Cruise Line, susceptibles d’être les principales utilisatrices du futur port de Nice. Sans commentaire…)..L'Etat via la CCI a fait procéder à une pré-étude d'impact. Cette mission est confiée au bureau d'études BCEOM basé à Montpellier, associé pour la partie urbaine, au cabinet Adéle.

- Deuxièmement, le gouvernement demande à ce que tout projet s’inscrive dans l’objectif du développement durable tenant compte de l’environnement et de l’emploi en priorité. Il ne s’agit plus de faire des " coups de poker " irréversibles, destructeurs et polluants dans la seule logique des chiffres des prévisions économiques .Il faut en finir avec la concurrence, la course de vitesse absurde entre les grandes villes méditerranéennes pour posséder le plus grand port de croisière. Absurdité d’amener en masse des touristes visiter un site que l’on aura au préalable défiguré définitivement. Il faudrait donc durant l'an 2000 demander de commencer par le début et exiger des études indépendantes véritables (ce que refusaient jusqu'alors la Mairie et la CCI ) et une large consultation des habitants de ce quartier historique et de leurs associations , en tenant réellement compte de leur avis .
Post scriptum : cet article aura une suite, car bien que trop rares, de nouvelles informations arrivent par voie de presse. Ainsi, Nice Matin a publié des photos montages non relayées d'informations importantes en pages intérieures (économiques, voies de desserte du port … etc). Tout ceci ressemble à une campagne d'habituation de la population à la fatalité du projet... La CCI, elle, après l'opacité totale, se lance dans le marketing-communication soft avec les commerçants, les professionnels du tourisme… Lors de la réunion sur le PUD, salle Leyris du 17/01/2000, M. Peyrat confirme qu'il n'y a pas eu après le traumatisme des neuf morts d'octobre 79 de nouvelles études pour l'implantation du port à l'aéroport. Il annonce la demande récente de nouvelles études sur ce site. On sent bien ses hésitations : le site historique du port actuel ne le satisfait pas pleinement, peut-être a-t-il entendu l'ampleur des résistances ?

Suivons donc de près le conseil municipal exceptionnel sur les projets 2000 du PUD ouvert au public, le jeudi 24 février à 14h30 à l'Hôtel de Ville (Vieille Ville). Le maire y présentera les conclusions des différentes consultations organisées par la mairie. A ne pas manquer !

Jean-Claude Boyer
 
 

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